L’Inde booste son tourisme avec Netflix

L’Inde signe un MoU “non commercial” avec Netflix pour intégrer ses destinations dans des fictions et booster le tourisme en Inde. Analyse des enjeux.

Le ministère indien du Tourisme vient de formaliser un Memorandum of Understanding (MoU) “non commercial” avec Netflix pour promouvoir les destinations indiennes via des séries, films et documentaires. L’accord, confirmé par le gouvernement au Parlement début décembre 2025, confie à la plateforme de streaming le rôle de vitrine mondiale des paysages naturels, des sites culturels et des villes historiques, avec une mention explicite de régions comme le Gujarat. Avec plus de 300 millions d’abonnés payants dans plus de 190 pays, Netflix offre à l’Inde un canal d’influence sans équivalent pour son tourisme en Inde. Ce partenariat s’inscrit dans une stratégie plus large, articulée autour du discours “Vocal for Local” et de la stratégie Swadeshi, que Narendra Modi martèle dans son émission Mann Ki Baat : consommer local, voyager dans le pays et soutenir le tourisme d’aventure et le tourisme hivernal en Uttarakhand. Pour New Delhi, il ne s’agit pas simplement de communication, mais d’un levier économique : l’Inde a accueilli près de 9,7 millions de touristes étrangers en 2024 et plus de 3,03 milliards de visites domestiques, et espère amplifier ces flux grâce au “set-jetting”, ce phénomène où l’on voyage sur les traces des films et séries.

L'Inde booste son tourisme avec Netflix

Le partenariat Netflix–Tourisme indien replacé dans son contexte

Le MoU entre le ministère indien du Tourisme et Netflix Entertainment Services India LLP est présenté comme “non commercial”. Autrement dit, il ne s’agit pas d’acheter des espaces publicitaires classiques, mais d’intégrer des lieux indiens dans des récits déjà pensés pour le grand public mondial. Le texte prévoit la mise en avant des paysages naturels, des sites culturels, des monuments et de certains États clés, dont le Gujarat, dans des productions existantes et à venir.

Concrètement, plusieurs axes sont évoqués par les autorités indiennes et la plateforme :

  • accompagnement des équipes de tournage pour l’identification de lieux adaptés ;
  • facilitation des autorisations de tournage sur des sites patrimoniaux ou sensibles ;
  • mise à disposition de banques d’images et de repérages ;
  • campagnes de communication croisées autour des sorties de contenus tournés en Inde.

Le pari est simple : convertir une partie de l’audience globale de Netflix en visiteurs. Avec environ 301,6 millions d’abonnés payants en août 2025, et plus de 317,6 millions de membres payants fin troisième trimestre, la plateforme reste de loin le premier service de streaming par abonnement. Même si une fraction seulement de ces spectateurs se traduit en voyages, les ordres de grandeur sont colossaux pour le tourisme en Inde.

La montée du “set-jetting” comme levier pour le tourisme en Inde

Le gouvernement indien n’agit pas dans le vide. Depuis 2023, plusieurs études internationales montrent que plus de la moitié des voyageurs ont déjà recherché ou réservé un séjour après avoir vu une destination dans une série ou un film, et qu’un quart des sondés jugent l’influence de ces contenus plus forte qu’avant la pandémie.

Le cas sud-coréen est souvent cité : en 2024, l’office du tourisme de Séoul estimait que 23 % des visiteurs étaient influencés par les K-dramas ou la K-pop. L’Inde cherche désormais à adapter ce modèle à son propre contexte, en combinant la puissance de Bollywood, des séries locales et des productions internationales.

Avec Netflix, l’avantage est double pour les destinations indiennes :

  • toucher des audiences non familières de l’Inde, par exemple en Europe ou en Amérique latine ;
  • se placer dans des récits contemporains, loin des clichés purement “exotiques” ou spiritualistes.

L’accord ne garantit pas que chaque grande série mondiale se déroulera à Jaipur ou Rishikesh, mais il crée un canal de dialogue structuré entre la plateforme et l’administration pour faire remonter des idées de lieux, de saisons et de thématiques.

La stratégie Swadeshi, le tourisme d’aventure et l’accent sur Uttarakhand

Ce MoU s’insère dans un discours politique assumé. Lors de l’épisode de Mann Ki Baat diffusé le 30 novembre 2025, Narendra Modi a insisté sur trois priorités : acheter des produits locaux (“Swadeshi”), explorer le tourisme hivernal dans l’Himalaya et développer le tourisme d’aventure en Inde.

L’Uttarakhand est cité comme un laboratoire :

  • mise en avant de stations comme Auli, Munsyari, Dayara et Chopta pour le ski, le snowboard et la raquette ;
  • organisation de Winter Games nationaux ;
  • nouvelles politiques de homestays pour intégrer les villages de montagne dans la chaîne de valeur touristique ;
  • projets d’écotourisme hivernal autour de la faune, comme les initiatives liées au léopard des neiges à Gangotri National Park.

Ce narratif “Vocal for Local” et cette stratégie Swadeshi ne visent pas seulement à remplacer les importations. Ils créent un cadre idéologique où l’Inde doit se penser et se vendre comme destination d’aventure, de sports de nature, de mariages, tout autant que de temples et de monuments. L’accord avec Netflix fournit un mégaphone international pour ce repositionnement.

Parallèlement, le marché du tourisme d’aventure en Inde est estimé à 16,7 milliards de dollars en 2024, avec une croissance annuelle prévue de près de 18 % jusqu’en 2033. Les responsables du secteur y voient un relais naturel pour prolonger la saison touristique au-delà des périodes de pèlerinage et des vacances d’été.

Les bénéfices attendus pour les destinations indiennes

Sur le papier, les gains potentiels sont multiples. D’abord, l’Inde cherche à consolider son statut de grande puissance touristique. En 2024, le pays a accueilli 9,66 millions de touristes étrangers et plus de 2,94 milliards de visites domestiques, ce qui le place parmi les dix premières puissances touristiques mondiales en termes de volume.

Ensuite, plusieurs monuments dépassent déjà le million de visiteurs annuels. Le Taj Mahal, par exemple, a reçu 6,26 millions de visiteurs domestiques et 650 000 étrangers en 2024-2025. Injecter certaines de ces icônes dans des séries à succès peut renforcer encore leur visibilité, mais le ministère du Tourisme dit vouloir élargir la palette, en intégrant aussi des lieux moins connus, y compris dans des États comme le Gujarat ou l’Uttarakhand.

Pour l’instant, le gouvernement ne publie pas de projection officielle de fréquentation liée au MoU. On peut cependant extrapoler à partir d’autres cas : la Nouvelle-Zélande avait estimé à plusieurs milliards de dollars sur dix ans l’impact des tournages du Seigneur des Anneaux, tandis que certains rapports indiquent que 23 % des visiteurs de la Corée du Sud sont influencés par les contenus audiovisuels.

Appliqué à l’Inde, même un impact marginal – par exemple 1 à 2 % des futurs touristes étrangers motivés principalement par ce tourisme filmique – représenterait des centaines de milliers de visiteurs supplémentaires par an. Avec une dépense moyenne qui tourne autour de 1 500 à 2 000 € par voyageur international, l’ordre de grandeur économique n’est pas anecdotique.

Les enjeux d’image et de gouvernance derrière le MoU

Derrière les chiffres, ce MoU pose des questions d’image et de gouvernance. En acceptant de structurer sa collaboration avec Netflix, l’Inde reconnaît de facto que les grandes plateformes de streaming sont devenues des acteurs de politique touristique.

Le risque serait de laisser une entreprise privée façonner seule le récit sur l’Inde touristique. Le texte de l’accord insiste donc sur la dimension “non commerciale” et sur le fait que le ministère reste prescripteur des sites mis en avant. Reste à voir comment cela fonctionnera au quotidien :

  • qui arbitrera entre les impératifs de scénario et les contraintes de conservation patrimoniale ?
  • comment éviter la sur-fréquentation de lieux fragiles, si une série planétaire déclenche un afflux massif de visiteurs ?
  • comment répartir les retombées entre grandes métropoles et régions plus pauvres ?

Ces questions ne sont pas théoriques. Les exemples de Dubrovnik, de certains villages italiens ou des îles hawaiiennes montrent que la “surenchère Netflix” peut saturer des territoires qui n’ont ni les infrastructures, ni la gouvernance nécessaires. L’Inde, qui compte déjà des États où plus de 20 % des visites nationales se concentrent sur quelques villes, devra éviter de reproduire ces déséquilibres.

Un test grandeur nature pour la diplomatie touristique de l’Inde

Au-delà du nombre d’abonnés et de vues, l’accord entre le ministère indien du Tourisme et Netflix servira de test pour la capacité de l’Inde à piloter une diplomatie touristique à la hauteur de ses ambitions économiques.

D’un côté, le pays veut capitaliser sur la dynamique actuelle : progression du tourisme en Inde, explosion du tourisme d’aventure, montée du tourisme hivernal en Uttarakhand et appétit croissant d’une classe moyenne mondiale pour des récits “authentiques” et des destinations moins standardisées.

De l’autre, il lui faudra démontrer qu’il sait encadrer ce tourisme filmique pour qu’il serve aussi les objectifs de la stratégie Swadeshi : soutien aux artisans, aux homestays, aux petites agences et non pas seulement aux grands groupes hôteliers et aux plateformes. Cela suppose une coordination fine entre ministères (tourisme, culture, environnement), États fédérés et secteur privé.

Si l’Inde parvient à transformer ce MoU en résultats tangibles – plus de visiteurs, mieux répartis, dépensant davantage dans les économies locales – sans dégrader ses paysages ni saturer ses sites, elle imposera un modèle original de coopération entre un État et un géant du streaming. À défaut, le risque serait d’ajouter de belles images à l’écran, sans que les rues de Rishikesh ou les villages d’Uttarakhand ne voient vraiment la couleur de ces millions de vues.

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