Les villes qui ne veulent plus de vous : le marketing “Stay Away”

Certaines villes passent du “venez” au “ne venez pas”. Campagnes ciblées, taxes, quotas : comment le surtourisme pousse l’Europe à trier ses visiteurs.

Des villes européennes assument désormais une stratégie de “démarketing” touristique. Le cas le plus cité reste Amsterdam et sa campagne Stay Away, pensée pour décourager des séjours centrés sur l’alcool, la drogue et les excès. L’objectif est clair : réduire les nuisances et la pression sur les quartiers centraux. Cette posture choque une partie du public. Elle nourrit un débat sur la discrimination et sur la tourismophobie. Dans le même temps, elle répond à une demande forte des habitants : retrouver du calme, de l’espace, et des loyers respirables. Les professionnels du tourisme, eux, redoutent une baisse de chiffre d’affaires et une fragilisation de l’emploi. Autour de ce cas emblématique, d’autres villes activent des leviers plus “techniques” : à Venise, une taxe d’accès pour les excursionnistes ; à Barcelone, une stratégie de réduction des meublés touristiques ; à Mallorca, des messages hostiles portés par des collectifs locaux. Le fil conducteur est simple : quand la capacité d’accueil est dépassée, les villes trient, régulent, et acceptent le conflit.

surtourisme

Le basculement du marketing touristique vers la dissuasion

Pendant des décennies, les destinations ont cherché à attirer “plus”. Plus de visiteurs. Plus de nuitées. Plus de dépenses. Ce modèle a une limite physique. Les rues, les transports, les services publics et le logement ne s’étirent pas à l’infini.

Le surtourisme n’est pas un slogan. C’est un déséquilibre mesurable. Il apparaît quand la fréquentation dépasse la capacité d’une ville à absorber les flux sans dégrader le quotidien. On le voit dans les centres saturés, dans l’explosion des plaintes, dans les coûts de propreté, et dans la tension sur le logement.

Ce basculement a un effet politique. Les municipalités ne peuvent plus promettre à la fois une croissance touristique continue et une qualité de vie stable. Elles doivent arbitrer. Et certaines choisissent désormais de l’assumer publiquement. Quitte à choquer.

Le cas d’Amsterdam et la logique “Stay Away”

La campagne et sa cible réelle

Amsterdam a lancé une campagne numérique en 2023, puis envisagé une extension à d’autres marchés. Elle visait d’abord les hommes de 18 à 35 ans au Royaume-Uni, avec un message explicite : “restez chez vous” si l’objectif est un week-end “trash”.

Le mécanisme est important. Ce n’est pas une affiche générale. C’est du ciblage. Des annonces s’affichent lorsque des personnes recherchent des termes associés aux enterrements de vie de garçon, aux tournées de bars, ou à la drogue. Les vidéos mettent en scène des arrestations, des amendes, des blessures. Le message est moral et dissuasif.

Ce choix dit quelque chose. La ville ne cherche pas à réduire tous les visiteurs. Elle cherche à réduire un segment précis, jugé coûteux en nuisances et faible en valeur locale.

Les mesures qui accompagnent la communication

La campagne n’est qu’un outil. Elle s’inscrit dans un ensemble plus large de régulation. Amsterdam a annoncé et mis en place plusieurs restrictions : limitation de certaines activités nocturnes, lutte contre les “pub crawls”, et interdiction de fumer du cannabis dans certaines zones de De Wallen depuis 2023.

La ville affiche aussi une stratégie de rééquilibrage : mieux répartir les flux, limiter l’expansion hôtelière, et réduire la pression sur l’hyper-centre. Ce point est central dans le phénomène du surtourisme dans les centres-villes : même quand la ville entière pourrait absorber, le centre, lui, sature.

Efficacité : succès d’image ou impact réel ?

Le sujet est controversé. Certains habitants disent voir moins de groupes bruyants. Certains articles parlent d’une baisse de visiteurs “type stag party”. D’autres sources rapportent que la mairie elle-même n’a pas constaté d’effet direct clair à court terme et a évoqué un impact limité.

Ce flou est logique. D’abord, on ne mesure pas facilement “les touristes qui ne sont pas venus”. Ensuite, les flux se déplacent souvent plutôt qu’ils ne disparaissent. Et les décisions de week-end sont sensibles au prix, aux vols, aux modes, et au calendrier, pas seulement à une campagne.

Mais même sans preuve parfaite, l’objectif politique peut être atteint : envoyer un signal aux habitants. Dire “on agit”. Et dire aux visiteurs : “la ville n’est pas un parc d’attractions”.

surtourisme

La question de la discrimination et l’accusation de “tourismophobie”

Le débat se cristallise sur une question simple : est-ce légitime de viser une population donnée ?

D’un côté, les critiques parlent de discrimination. La campagne cible des jeunes hommes, et à l’origine un pays précis. Le risque est réel : vous pouvez donner l’impression qu’un passeport et un âge suffisent à rendre quelqu’un indésirable. C’est une ligne sensible, surtout en Europe.

De l’autre côté, la ville répond par la logique du risque. Elle ne vise pas “les Britanniques”. Elle vise les comportements. Et elle utilise des signaux statistiques : nuisances nocturnes, violences, dégradations, urines dans la rue, appels à la police. Dans cette lecture, la campagne est un outil de prévention, pas un rejet identitaire.

Le mot tourismophobie apparaît souvent dans ces polémiques. Il est pratique, mais il peut masquer le réel. Ce n’est pas “la haine des touristes”. C’est la fatigue face à des nuisances répétées, quand les habitants ont le sentiment d’être devenus une variable d’ajustement.

La frontière est simple à formuler, plus dure à tenir : une ville peut réguler des comportements ; elle doit éviter de stigmatiser des personnes.

Le clash entre habitants et économie locale

Le point de vue des habitants

Les habitants demandent surtout trois choses : dormir, circuler, se loger. Les nuisances touristiques ne sont pas abstraites. Elles sont sonores. Elles sont visibles. Elles coûtent en nettoyage, en sécurité, en dégradation du patrimoine.

C’est le cœur du surtourisme et la qualité de vie. Quand un centre se transforme en zone de consommation nocturne, le résident perd un droit basique : vivre chez lui.

Le logement est l’autre bombe. Les locations de courte durée réduisent l’offre longue durée. Elles tirent les loyers vers le haut. Elles changent le voisinage. Et elles rendent l’acceptabilité sociale fragile, même dans des villes historiquement touristiques.

Le point de vue des commerçants

Les professionnels ont une crainte légitime : la baisse brutale de fréquentation peut mettre des emplois en danger. Bars, hôtels, musées, transport, guides, restauration. Le tourisme n’est pas une bulle isolée. Il irrigue une chaîne entière.

Le problème est que tous les touristes ne se valent pas économiquement. Les “touristes de fête” dépensent beaucoup dans les bars, mais peu dans la culture, et peuvent générer des coûts publics élevés. Les visiteurs culturels dépensent différemment. Les familles aussi. Les seniors aussi.

Le conflit devient une bataille de chiffres. Qui rapporte quoi. Qui coûte quoi. Et qui paie le déséquilibre.

Les autres villes qui envoient un message de “trop, c’est trop”

Le modèle vénitien : la régulation par le prix et les règles

Venise a testé puis renforcé une taxe d’accès pour les visiteurs à la journée. En 2025, la mesure a rapporté plusieurs millions d’euros, avec un tarif modulé selon l’anticipation, et des journées ciblées. Le but officiel est double : financer la gestion et lisser les pics.

Le problème est connu : une taxe faible ne décourage pas toujours. Elle peut même être vécue comme un “droit d’entrée”. Mais elle donne à la ville un outil de comptage, et une capacité à moduler. C’est typiquement le surtourisme et la taxation touristique : on tente de gérer les flux par le portefeuille.

Venise a aussi annoncé des règles sur les groupes et les haut-parleurs, et continue de travailler sur la gestion des croisières. Ici, le message n’est pas “ne venez pas”. Il est “venez, mais pas n’importe comment, pas n’importe quand”.

Barcelone : le logement comme champ de bataille

Barcelone est un laboratoire du surtourisme en Europe. La ville associe la tension touristique à la crise du logement. Les autorités ont annoncé un plan visant à supprimer progressivement les licences de logements touristiques, avec un objectif de retour vers l’habitat résidentiel dans les années à venir.

Les mouvements citoyens mettent en scène le rejet, parfois de façon agressive. Le message “tourists go home” s’est vu dans la rue. Cela ne vient pas toujours de la municipalité. Mais cela pèse sur l’image de la destination et sur les choix politiques.

Ici, la fracture est nette : les habitants veulent de l’espace et des loyers plus tenables ; l’économie touristique veut préserver l’activité ; la mairie tente de reprendre le contrôle via des règles sur la capacité d’accueil.

Mallorca : quand le “ne venez pas” devient social

Mallorca illustre un autre phénomène : des collectifs locaux diffusent des messages explicites du type “don’t come”, portés par la colère sur l’eau, les déchets, la saturation routière et le logement.

On n’est pas dans une campagne institutionnelle identique à Amsterdam. Mais l’effet est comparable : la destination devient un terrain de conflit. Les habitants ne veulent plus être “la toile de fond” d’un tourisme de masse.

Cela montre une chose : quand l’acceptabilité sociale casse, les slogans sortent. Et ensuite, les mesures suivent souvent.

surtourisme

Le mécanisme technique du surtourisme et la gestion des flux

Le phénomène du surtourisme a des causes récurrentes. Vols low-cost, plateformes, marketing social, et concentration sur quelques spots iconiques. Le résultat est mécanique : des pics très courts, très denses, sur des zones très petites.

La réponse des villes se structure autour de quelques leviers :

  • La régulation du logement touristique, car c’est un multiplicateur de pression.
  • La limitation des accès à certains sites, donc le surtourisme et les quotas de visiteurs.
  • La gestion des arrivées de croisières, car elles déposent des milliers de personnes en quelques minutes, donc le surtourisme et les croisières.
  • La redistribution des flux vers d’autres quartiers, pour réduire le surtourisme dans les villes historiques.
  • La hausse de taxes, amendes, règles de groupes, et horaires, donc le surtourisme et les politiques publiques.

Ces outils ont un point commun : ils font basculer la ville d’un modèle “accueil maximal” vers un modèle “capacité d’accueil” assumé.

Les conséquences économiques et sociales à moyen terme

La dissuasion a un risque. Elle peut détériorer l’image globale d’une destination, pas seulement le segment visé. Un couple culturel peut se demander s’il est “de trop”. Une famille peut hésiter. Et cela peut réduire des recettes qui financent aussi les musées, les transports, la restauration.

Mais ne rien faire a un autre coût. Départ des habitants du centre. Perte de commerces de proximité. Ville-musée. Baisse de diversité sociale. Et colère politique durable.

Le cœur du sujet est là : ce n’est pas un débat moral. C’est une question de pilotage. Une ville peut-elle rester vivable tout en restant attractive ? Oui, mais à condition de choisir. Et de mesurer. Et d’accepter des pertes sur certains segments.

C’est aussi là que le discours change. Les villes parlent de gestion responsable des destinations. C’est une formule technique, mais l’idée est brutale : “nous ne pouvons pas accueillir tout le monde, tout le temps”.

La dernière ligne droite : trier sans humilier, réguler sans mentir

Les campagnes “ne venez pas” choquent parce qu’elles cassent une règle implicite : une ville touristique doit être aimable. Or, certaines villes estiment qu’être aimable ne suffit plus, et qu’il faut être clair.

La stratégie la plus solide n’est pas forcément la plus agressive. Elle est souvent la plus lisible : règles simples, contrôles réels, objectifs publiés, et transparence sur les coûts. Sans cela, le “Stay Away” peut ressembler à un coup de com’ destiné à calmer les habitants, tout en laissant les causes structurelles intactes.

Les villes qui s’en sortiront le mieux seront celles qui accepteront une vérité simple : le tourisme n’est pas “bon” ou “mauvais”. Il est gérable ou ingérable. Et c’est la différence entre un centre-ville habité et un centre-ville consommé.

LES PLUS BEAUX HOTELS DU MONDE est un guide indépendant.

Les plus beaux hôtels du monde

Bienvenue sur notre site de présentation des plus beaux hôtels du monde. Ce site est réalisé par un collectif de voyageurs, le plus souvent voyageurs d’affaires, qui parcourent le monde. Le but de ce site est de vous présenter notre sélection des plus beaux hôtels que l’on retrouve en Europe, en Amérique et dans le reste du monde.

Notre sélection est totalement indépendante. Nous tenons compte des critères usuels de classification des hôtels comme le nombre d’étoiles, mais aussi d’autres critères tels que l’expérience globale de l’hôtel, l'environnement général et le critère très personnel de la "séductivité" de l'hôtel. C’est pour cela que certains hôtels, qui ne sont pas des 5*, peuvent être dans notre sélection des meilleurs hôtels du monde.

Vous avez une question ? Contactez-nous sur contact @ seoinside.fr

Retrouvez notre sélection des plus beaux et meilleurs hôtels du monde par géographie :

Afrique - Amerique Centrale - Amerique du Nord - Amerique du Sud - Asie - Caraïbes - Europe - Moyen Orient - Ocean Indien - Pacifique & Océanie