Pourquoi les lieux de tournage attirent autant les touristes

Analyse de l’obsession pour les lieux de tournages de séries télévisées et ses effets économiques, sociaux et territoriaux sur le tourisme mondial.

Entre fiction télévisée et tourisme réel

Depuis les années 2010, l’impact des séries télés sur le tourisme s’est intensifié. Ce phénomène ne concerne plus uniquement quelques sites exceptionnels, mais des destinations entières dont la fréquentation repose partiellement sur leur exposition à l’écran. Des villes comme Dubrovnik, Belfast, Girona, Matera, ou Skellig Michael en Irlande ont vu leurs chiffres de fréquentation augmenter de 15 à 60 % en quelques années, simplement pour avoir servi de lieux de tournages à des séries comme Game of Thrones, The Crown ou The White Lotus.

L’obsession actuelle pour les lieux des séries télévisées révèle un rapport transformé entre fiction et déplacement physique. Le spectateur ne veut plus seulement regarder. Il veut se rendre sur les lieux, les photographier, marcher dans les décors. Ce n’est pas un désir d’illusion, mais une recherche d’ancrage matériel dans une expérience audiovisuelle. Le tourisme culturel a muté : il s’articule désormais autour d’un récit sériel, parfois même en l’absence de patrimoine historique au sens classique.

Cette dynamique questionne les professionnels du secteur. Elle bouleverse les stratégies de promotion, modifie les flux touristiques et soulève des enjeux d’aménagement. L’article qui suit analyse cette tendance, ses origines, son économie concrète, et les tensions qu’elle génère sur les territoires concernés.

lieu de tournage

Une construction culturelle récente et fortement accélérée

Le lien entre fiction audiovisuelle et déplacement touristique n’est pas nouveau. Mais ce qui était marginal dans les années 1980 – quelques excursions autour de Dallas ou de Mission Impossible – s’est transformé en composante active de l’industrie touristique européenne et mondiale. Ce glissement a été accéléré par trois facteurs principaux : la structuration des plateformes de streaming mondiales, la standardisation des habitudes de visionnage, et la circulation des références visuelles par les réseaux sociaux.

Un tournage dans un village italien auparavant anonyme peut devenir viral en quelques heures si la série est diffusée dans plus de 190 pays. Netflix a imposé ce format avec La Casa de Papel, tournée à Madrid mais vendue comme une fiction globale. De même, Dark, série allemande diffusée en 2017, a transformé la forêt de Grunewald en lieu de visite régulier pour des visiteurs venant de l’étranger.

La logique a changé : le spectateur ne cherche plus un monument mais un espace scénarisé, balisé par une fiction télévisée. Il s’intéresse à des lieux secondaires, parfois sans signalisation, simplement parce qu’ils ont été vus à l’écran. Ce rapport transforme profondément la perception des territoires. Il ne s’agit plus de patrimoine au sens classique, mais de mémoire visuelle récente, associée à un univers narratif privé.

Cette tendance se confirme avec des séries locales à diffusion mondiale. En France, Lupin a généré une hausse de la fréquentation de l’Observatoire de Paris et du musée Nissim de Camondo. En Islande, Trapped a repositionné la petite ville de Siglufjörður sur les cartes touristiques.

L’obsession actuelle repose donc sur un mécanisme double : exposition visuelle continue + volonté de transformer l’écran en terrain. Il ne s’agit pas d’un effet de curiosité, mais d’un phénomène structurant du tourisme contemporain, qui redéfinit ce que signifie « visiter ».

Une économie touristique modelée par les séries télés

L’impact économique des lieux des séries télévisées se mesure concrètement en fréquentation, en emploi saisonnier et en création de nouvelles offres. Selon une étude menée en Espagne, Game of Thrones aurait généré plus de 300 millions d’euros de retombées économiques sur le pays entre 2014 et 2019, notamment dans les villes de Girona, Seville, et Bardenas Reales.

En Croatie, Dubrovnik a vu son nombre de visiteurs passer de 600 000 à plus d’un million entre 2011 et 2018, en grande partie à cause de son rôle dans la série en tant que King’s Landing. Ce boom a entraîné des hausses de prix dans les hébergements (jusqu’à 70 % en haute saison) et une saturation de l’espace public.

Les offices de tourisme ont intégré cette dimension. L’Irlande du Nord a lancé un programme officiel de Game of Thrones tours, incluant transport, guides costumés, produits dérivés et restauration thématique. À Malte, les lieux de tournage sont désormais fléchés et intégrés dans les brochures officielles.

Ce phénomène crée des niches économiques, exploitées par des guides indépendants, des opérateurs spécialisés et des entreprises locales. Il alimente aussi des plateformes comme Atlas of Wonders ou SetJetting, qui recensent les lieux visibles à l’écran avec précision.

Mais cette économie ne bénéficie pas uniformément aux territoires. Les effets peuvent être déséquilibrés. Dans certains cas, la fréquentation massive dépasse les capacités locales : à Skellig Michael, site utilisé dans Star Wars, les autorités ont dû limiter le nombre de visiteurs à 180 par jour pour des raisons de préservation. Le tourisme sériel génère donc un effet de concentration très rapide, parfois mal anticipé.

lieu de tournage

Des effets territoriaux complexes et parfois problématiques

Si les lieux de tournages génèrent un flux touristique, ils peuvent aussi provoquer des tensions sur les territoires. L’effet d’emballement médiatique ne tient pas compte de la logistique réelle : parkings insuffisants, infrastructures limitées, logements sursaturés, pression foncière.

À Hallstatt, village autrichien utilisé dans des productions asiatiques, les habitants ont vu leur quotidien bouleversé par 10 000 visiteurs par jour en été, alors que la population permanente est inférieure à 800 personnes. Les autorités locales ont dû instaurer des quotas d’accès et des restrictions horaires.

Les lieux sont souvent utilisés pour leur esthétique visuelle, sans lien avec le récit local. Cela peut générer un décalage entre l’attente des visiteurs et la réalité culturelle ou historique du site. À Matera, utilisée dans The Passion of the Christ et plus récemment No Time to Die, les visiteurs ignorent parfois le contexte social du quartier des Sassi, ancien bidonville jusque dans les années 1950.

Par ailleurs, les habitants ne bénéficient pas toujours des retombées. L’augmentation des loyers, la disparition des commerces de proximité, ou la privatisation de certaines zones pour des visites guidées payantes créent un sentiment d’exclusion au sein même des communautés locales.

Les autorités régionales commencent à encadrer cette dynamique. Certaines imposent désormais des redevances de tournage, conditionnent l’exploitation touristique à des conventions spécifiques, ou intègrent des clauses de coopération locale. Mais la tension reste forte entre le besoin de régulation et la tentation économique immédiate.

Le tourisme lié aux séries télés n’est pas neutre : il façonne l’espace, réoriente les flux, et impose de nouveaux arbitrages territoriaux.

Une logique émotionnelle transformée par la consommation culturelle

L’attrait pour les lieux des séries télévisées repose sur un changement profond dans la manière dont les individus consomment le réel. Il ne s’agit pas d’un goût pour le décor, mais d’une projection affective personnelle. Ce que l’on visite, ce n’est pas un lieu géographique, mais un espace affectif.

Le spectateur ne cherche pas un monument. Il cherche une scène précise, une ambiance perçue, une émotion vécue devant l’écran. Cette projection crée un besoin de confirmation : voir le lieu réel pour valider une sensation passée. C’est un mécanisme de réassurance et de matérialisation.

Cette tendance s’est accentuée avec l’essor de la photographie individuelle. Le selfie sur lieu de tournage est un élément constitutif du processus. Il ne documente pas une visite, mais inscrit un corps réel dans une fiction visuelle. C’est une manière de prolonger la série dans le monde matériel, à travers sa propre image.

Cette logique se double d’une forme de compétition implicite. Celui qui a vu « le vrai lieu » ajoute une couche à son rapport à la série. Il devient acteur secondaire du récit, même passivement. Cette transformation du spectateur en visiteur actif n’est pas une lubie touristique, c’est un processus de validation culturelle devenu courant dans les sociétés connectées.

Enfin, cette dynamique questionne aussi le rapport au territoire non filmé. Ce qui n’est pas passé à l’écran perd de la valeur symbolique. Cette hiérarchisation par la fiction modifie les parcours, les représentations et les usages du réel.

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