Les géants de l’hôtellerie de luxe face à un retournement historique de la demande

Le rapport Berenberg alerte sur un recul inédit du luxe hôtelier mondial. Revenus en baisse, désengagement des Chinois et défi générationnel menacent Ritz-Carlton, Four Seasons ou Aman.

Selon la banque allemande Berenberg, l’hôtellerie de luxe mondiale traverse une crise de demande structurelle, marquant la première double contraction annuelle des revenus depuis 2008. Les dépenses chinoises reculent, les acheteurs aspirants se retirent, et la génération Z reste peu séduite par les codes du luxe classique. Cette tendance affecte directement les groupes hôteliers premium tels que Marriott International (Ritz-Carlton, St. Regis), Hilton (Waldorf Astoria, Conrad), ou IHG (Six Senses, Regent). Les valorisations chutent, à l’image du parallèle observé avec Chanel et Hermès, touchées par la baisse de consommation haut de gamme. Pour résister, les experts recommandent aux chaînes de renforcer leur présence sur le marché américain, de diversifier leurs sources de revenus et d’adapter leurs expériences au mode de vie post-pandémie.

pressions hotels luxe

La première contraction durable du luxe hôtelier depuis 2008

Le rapport Berenberg publié à l’automne 2025 estime que les revenus mondiaux du luxe hôtelier reculeront de 3,5 % en 2025, après un premier repli de 2,8 % en 2024. C’est la première double baisse consécutive depuis la crise financière de 2008.
Les analystes évoquent une « demande structurellement affaiblie » liée à la fois à la décélération économique chinoise, à la normalisation post-pandémique du tourisme longue distance et à une mutation générationnelle des attentes.

Jusqu’ici, la résilience du secteur reposait sur la reprise des voyages de luxe et la montée des segments ultra-premium. Mais cette dynamique s’essouffle. Les dépenses des ménages aisés chinois ont chuté de près de 20 % sur les séjours à l’étranger entre 2023 et 2025, selon les données compilées par Berenberg et ForwardKeys. Le rebond domestique ne compense pas la baisse du tourisme outbound vers l’Europe et les États-Unis, où les hôtels haut de gamme réalisaient jusqu’à 40 % de leur clientèle chinoise avant 2020.

Le repli chinois, maillon faible du modèle global

La clientèle chinoise reste déterminante pour les grands hôtels de prestige, représentant entre 25 % et 35 % des recettes dans les principales destinations internationales. Or, la conjonction d’un yuan affaibli, d’un pouvoir d’achat en recul et de contrôles plus stricts sur les dépenses à l’étranger a profondément modifié les flux.

Les marques les plus exposées sont celles dont la croissance dépendait de la clientèle asiatique : Waldorf Astoria en Asie-Pacifique, Ritz-Carlton à Kyoto ou à Chengdu, Rosewood Hong Kong, ou encore Aman Tokyo, tous confrontés à une baisse d’occupation supérieure à 10 %.
Les experts soulignent aussi que la reprise des voyages ne suffit plus à générer des taux journaliers élevés : le revenu par chambre disponible (RevPAR) des hôtels de luxe chinois est tombé à −6 % sur un an, tandis que l’Europe plafonne à +1 %.

Cette dépendance expose les opérateurs mondiaux : Marriott et Hilton, qui possèdent respectivement environ 500 hôtels haut de gamme chacun, voient leurs croissances organiques ralentir. Hyatt, plus exposé aux Amériques, résiste mieux grâce à la diversification de sa Inclusive Collection.

Le retrait des acheteurs aspirants et la fin de l’effet « revenge travel »

Après deux années euphoriques marquées par le « revenge travel », la consommation de luxe hôtelier connaît une normalisation brutale. Les acheteurs aspirants — ces voyageurs à revenu intermédiaire cherchant à s’offrir ponctuellement une expérience haut de gamme — se retirent face à l’inflation persistante.

Aux États-Unis, le panier moyen des séjours haut de gamme a progressé de 18 % depuis 2021, alors que le revenu médian n’a augmenté que de 6 %. Ce déséquilibre pousse les clients occasionnels à revenir vers des offres premium classiques, laissant les palaces dépendants d’une clientèle plus restreinte.

Des établissements comme le St. Regis New York ou le Mandarin Oriental Miami notent une baisse de fréquentation de cette clientèle mixte, tandis que les segments ultra-riches — moins sensibles aux prix — ne suffisent pas à compenser. Les analystes parlent d’un « effet d’assèchement du milieu de gamme », similaire à celui observé dans la mode de luxe.

Le défi générationnel : une fracture avec la génération Z

Autre signal d’alerte, les grandes marques hôtelières peinent à séduire la génération Z, pourtant en passe de devenir le premier bassin de voyageurs d’ici 2030.
Contrairement à la génération Y, les jeunes clients privilégient la valeur expérientielle plutôt que les attributs matériels. Ils recherchent des séjours connectés, durables et socialement authentiques, où la narration de marque prime sur le marbre des halls.

Des enseignes comme Aman, Six Senses ou Belmond ont tenté de repositionner leurs offres autour du bien-être et de la durabilité, mais les concepts restent élitistes. Berenberg estime que moins de 12 % des Gen Z identifient spontanément une marque hôtelière de luxe comme aspirationnelle.
Cette déconnexion pèse sur la croissance à long terme : sans renouvellement de clientèle, les taux d’occupation risquent de se tasser malgré l’offre réduite.

Les valorisations en recul et les effets sur les conglomérats hôteliers

La dégradation de la demande se reflète désormais dans les valorisations boursières. Les comparaisons établies par Berenberg avec le secteur de la mode montrent une corrélation claire : lorsque les valeurs du luxe personnel (Chanel, Hermès, LVMH) reculent de 15 %, l’hôtellerie de prestige suit dans les six mois.

Les indices de performance de Marriott International et Hilton Worldwide affichent respectivement −8 % et −10 % depuis janvier 2025. Les analystes anticipent un ralentissement du taux de croissance organique des revenus à 3 % sur les deux prochaines années, contre 6 % entre 2019 et 2023.
Les projets d’expansion — près de 130 ouvertures haut de gamme prévues d’ici 2027 pour Marriott — pourraient être étalés dans le temps, surtout en Asie où la demande ne justifie plus un tel pipeline.

pressions hotels luxe

Les stratégies d’adaptation : diversification et marché américain

Face à ce ralentissement, les experts recommandent plusieurs leviers de résilience.
D’abord, une diversification géographique : le marché américain reste robuste, porté par une clientèle domestique stable et un dollar fort. Des marques comme Waldorf Astoria et Ritz-Carlton Reserve multiplient les ouvertures en Floride, au Texas ou au Colorado, où la demande loisirs-affaires reste soutenue.

Ensuite, une diversification des lignes de revenus. Plusieurs groupes explorent les résidences hôtelières de marque, qui garantissent un rendement immobilier et fidélisent les clients : Aman Residences, Four Seasons Private Retreats, ou Bvlgari Residences à Dubaï et Tokyo. Ces produits hybrides, mêlant investissement et lifestyle, représentent déjà plus de 20 % du pipeline luxe mondial.

Enfin, l’intégration du bien-être comme vecteur central de valeur s’impose. Six Senses et Shangri-La investissent dans des retraites immersives à impact environnemental, répondant à la quête de sens de la nouvelle clientèle. Ces repositionnements coûtent cher, mais permettent de réduire la dépendance aux marchés asiatiques.

Les perspectives : une mutation du luxe hôtelier mondial

La période 2024-2026 pourrait constituer un tournant structurel pour le secteur. L’hôtellerie de luxe, longtemps portée par la croissance asiatique et l’effet patrimonial des grandes marques, doit se réinventer autour de nouveaux axes : expérience, durabilité et rentabilité opérationnelle.
Les acteurs capables d’articuler ces dimensions — à l’image de Rosewood, qui combine gastronomie, art et culture locale — pourraient sortir renforcés. À l’inverse, les enseignes centrées sur l’ostentation risquent de perdre leur pertinence face à une clientèle qui valorise la discrétion et l’authenticité.

L’alerte de Berenberg agit ainsi comme un signal stratégique : le luxe hôtelier n’est plus immunisé contre les cycles économiques. L’avenir appartiendra aux groupes capables de conjuguer excellence et agilité, sans se reposer sur le prestige seul.

LES PLUS BEAUX HOTELS DU MONDE est un guide indépendant.

Les plus beaux hôtels du monde

Bienvenue sur notre site de présentation des plus beaux hôtels du monde. Ce site est réalisé par un collectif de voyageurs, le plus souvent voyageurs d’affaires, qui parcourent le monde. Le but de ce site est de vous présenter notre sélection des plus beaux hôtels que l’on retrouve en Europe, en Amérique et dans le reste du monde.

Notre sélection est totalement indépendante. Nous tenons compte des critères usuels de classification des hôtels comme le nombre d’étoiles, mais aussi d’autres critères tels que l’expérience globale de l’hôtel, l'environnement général et le critère très personnel de la "séductivité" de l'hôtel. C’est pour cela que certains hôtels, qui ne sont pas des 5*, peuvent être dans notre sélection des meilleurs hôtels du monde.

Vous avez une question ? Contactez-nous sur contact @ seoinside.fr

Retrouvez notre sélection des plus beaux et meilleurs hôtels du monde par géographie :

Afrique - Amerique Centrale - Amerique du Nord - Amerique du Sud - Asie - Caraïbes - Europe - Moyen Orient - Ocean Indien - Pacifique & Océanie