Les hôtels de la mer Rouge, laboratoire du luxe durable saoudien

Sur la côte saoudienne, les hôtels de la mer Rouge inventent une hôtellerie de luxe durable mêlant technologies vertes, protection des récifs et ancrage local.

Sur la côte ouest de l’Arabie saoudite, le méga-projet The Red Sea et la destination AMAALA Triple Bay transforment la façon de concevoir l’hôtellerie haut de gamme. Sur 28 000 km² de désert, de lagunes et d’îles, Red Sea Global promet de développer moins de 1 % du territoire, de limiter la fréquentation à un million de visiteurs par an et d’alimenter tous ses hôtels en énergies renouvelables. Les premiers resorts – Six Senses Southern Dunes, St. Regis Red Sea Resort et Nujuma, a Ritz-Carlton Reserve – combinent architecture bioclimatique, intégration paysagère, protection des récifs coralliens et services ultra-luxueux. En parallèle, Red Sea Global forme une nouvelle génération de salariés saoudiens et annonce des dizaines de milliers d’emplois directs et indirects. Ce modèle de luxe responsable reste toutefois réservé à une clientèle très aisée et soulève des questions : impact des vols long-courriers, empreinte carbone des chantiers, reproductibilité dans d’autres destinations. La mer Rouge devient ainsi un laboratoire très observé du tourisme durable en Arabie saoudite.

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La mer Rouge comme scène d’un nouveau luxe durable

La côte de la mer Rouge en Arabie saoudite n’était, il y a encore quelques années, qu’une zone quasi vierge pour le tourisme international. Avec Red Sea Global, filiale du Public Investment Fund, le pays a décidé d’en faire un terrain d’expérimentation d’un tourisme haut de gamme présenté comme « régénératif ».

Le projet The Red Sea couvre 28 000 km² entre Umluj et Al-Wajh, avec plus de 90 îles, 200 km de littoral et la vaste lagune d’Al Wajh (2 081 km²) abritant coraux, herbiers et mangroves. La stratégie officielle est claire : développer seulement 22 îles et moins de 1 % de la surface totale, limiter les visiteurs à un million par an et créer 50 hôtels et 8 000 chambres à l’horizon 2030.

Cette approche tranche avec de nombreuses destinations de luxe balnéaire, souvent densifiées jusqu’à saturation. Ici, la rareté est assumée comme un outil de préservation des récifs et comme un élément de valeur. Le tourisme durable en Arabie saoudite devient un argument central du positionnement, autant pour séduire les voyageurs fortunés que pour répondre aux critiques sur l’empreinte écologique de ces giga-projets.

Les hôtels comme vitrines d’une hôtellerie décarbonée

La promesse d’une destination 100 % renouvelable

Le volet énergétique est l’un des marqueurs les plus visibles de cette hôtellerie de luxe durable. Red Sea Global construit une infrastructure totalement hors réseau national, alimentée par un micro-réseau solaire de près de 400 MW et par l’un des plus grands systèmes de stockage au monde, dépassant 1 200 MWh.

Plus de 760 000 panneaux photovoltaïques ont déjà été installés pour couvrir les besoins de la première phase, incluant l’aéroport Red Sea International et les premiers resorts. Cette capacité permet d’alimenter en continu les hôtels, les navettes électriques, le dessalement d’eau de mer et l’éclairage, sans recours à des générateurs diesel, contrairement à ce qui se pratique encore dans de nombreuses îles de l’océan Indien ou du Pacifique.

Sur le site voisin d’AMAALA Triple Bay, la stratégie est similaire : un système renouvelable dimensionné pour produire jusqu’à 410 000 MWh par an, couplé à un stockage de 700 MWh et à une usine de dessalement par osmose inverse capable de traiter 37 millions de litres par jour.

Ces choix techniques donnent une crédibilité au discours sur le tourisme durable en Arabie saoudite. Ils mettent aussi la barre très haut pour les groupes hôteliers internationaux qui opèrent sur place et devront s’aligner sur ces standards énergétiques.

Des objectifs « zéro déchet » et zéro plastique ambitieux

Au-delà de l’énergie, Red Sea Global affiche des objectifs de zéro waste to landfill, de zéro rejet en mer et de bannissement des plastiques à usage unique sur l’ensemble de ses destinations. Des contrats de gestion des déchets privilégient le tri, le recyclage et le compostage, y compris pendant la phase de construction, particulièrement génératrice de déchets.

La politique de réduction des plastiques s’étend aux plages, aux centres de plongée, aux bateaux de transfert et aux back-offices des hôtels. Des programmes de nettoyage des littoraux complètent le dispositif, avec des campagnes régulières associant salariés et populations locales.

Ces engagements restent à documenter dans la durée, mais ils imposent déjà une discipline opérationnelle inhabituelle dans l’ultra-luxe balnéaire.

Les resorts intégrés au paysage et à la culture de la mer Rouge

Le discours sur le luxe responsable ne repose pas uniquement sur la technique. Il se traduit aussi dans l’architecture et l’implantation des hôtels.

Six Senses Southern Dunes, premier resort à ouvrir en 2023, se situe à une centaine de kilomètres au nord-est d’Umluj, en plein désert. Le projet, signé Foster + Partners, privilégie des matériaux légers plutôt que la pierre ou le béton, afin de limiter l’inertie thermique et les besoins en climatisation. Les formes des bâtiments s’inspirent de l’héritage nabatéen et se fondent dans les dunes environnantes.

Plus loin, le resort Desert Rock s’inscrit littéralement dans la montagne : 64 clés sont creusées ou intégrées dans un massif granitique, réduisant l’emprise au sol visible et l’impact sur le paysage.

Sur les îles, le St. Regis Red Sea Resort aligne 90 villas sur pilotis et en bord de plage, organisées en courbes qui reprennent la géométrie des récifs coralliens et des dunes. Les toitures arrondies et les matériaux naturels créent une continuité visuelle avec le littoral. Nujuma, a Ritz-Carlton Reserve, positionné comme l’un des hôtels les plus chers du Moyen-Orient avec des nuitées dépassant souvent 2 000 dollars, propose 63 villas chacune dotée de piscine privée, réparties sur le sable et sur l’eau pour limiter la densité.

Enfin, Shebara Resort, sur Sheybarah Island, pousse cette logique plus loin avec des villas sphériques en acier inoxydable poli, réfléchissant le paysage au point de se confondre avec lui vues du ciel. Cette scénographie sert autant l’image de marque que la promesse d’une faible artificialisation.

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Les expériences immersives et la protection d’un écosystème fragile

Les hôtels de la mer Rouge vendent moins une chambre qu’un ensemble d’expériences immersives autour de la mer, du désert et du ciel nocturne. Le masterplan prévoit de développer seulement 22 îles sur plus de 90, en laissant la majorité en zone protégée. Certains sites resteront entièrement réservés à la recherche scientifique ou à la conservation.

Les récifs coralliens, relativement préservés et plus résistants au réchauffement que dans d’autres régions, sont au cœur de l’offre d’activités : plongée bouteille, snorkeling, kayak dans les mangroves, observation des tortues imbriquées et des poissons-guitares halavi, espèces menacées ou régionales prioritaires. Le projet dresse aussi un périmètre de ciel étoilé protégé, avec une ambition de plus grande réserve de ciel sombre certifiée au monde, afin de limiter la pollution lumineuse.

Les hôtels sont incités à encadrer strictement la fréquentation des sites sensibles : nombre de plongeurs par jour, mouillages écologiques, circuits limitant le piétinement des herbiers, interdiction de nourrir la faune. Ces contraintes ne sont pas anecdotiques : elles conditionnent la durabilité de l’écosystème qui fait toute la valeur de ces destinations.

Les retombées locales et la formation d’une nouvelle main-d’œuvre

Pour échapper à l’image d’un luxe « hors sol », Red Sea Global met en avant un volet social important. L’entreprise annonce la création de 120 000 emplois directs et indirects rien qu’avec The Red Sea et AMAALA. AMAALA Triple Bay, à lui seul, est censé générer 50 000 emplois et 3 milliards de dollars de PIB supplémentaire à terme.

Concrètement, le groupe a lancé 16 programmes de formation, associant écoles, universités et Human Resources Development Fund. Depuis 2021, plus de 1 500 jeunes Saoudiens ont intégré le programme de formation professionnelle ; plus de 650 diplômés travaillent déjà sur les destinations, et le cap de 1 000 alumni employés est en passe d’être atteint.

Les cursus couvrent les métiers de l’hôtellerie de luxe, de la restauration, du bien-être, mais aussi des services techniques électriques et mécaniques. Dans les resorts, cela se traduit par une présence croissante de personnel saoudien en front-office et en management intermédiaire, là où, dans d’autres destinations balnéaires, les équipes locales restent souvent cantonnées à des postes d’exécution.

Cette montée en compétences n’efface pas les enjeux de gouvernance, ni les débats sur la situation des travailleurs migrants dans l’ensemble du Golfe. Mais elle donne aux hôtels de la mer Rouge une dimension de projet de transformation économique interne, au-delà du seul produit touristique.

Les limites et contradictions d’un luxe durable ultra-sélectif

Ces hôtels de l’hôtellerie de luxe durable restent néanmoins réservés à une clientèle très aisée. Une nuit à Nujuma, a Ritz-Carlton Reserve ou au St. Regis Red Sea Resort se chiffre fréquemment entre 2 000 et 3 000 dollars, parfois davantage pour les villas les plus spectaculaires. Le modèle économique repose donc sur un faible volume de visiteurs à très forte contribution.

Sur le plan climatique, l’énergie renouvelable sur site ne compense pas les émissions des vols long-courriers nécessaires pour atteindre la mer Rouge. La clientèle visée vient en grande partie d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Asie, avec des trajets de plusieurs milliers de kilomètres. L’argument de destination « décarbonée » peut alors apparaître partiel, voire ambigu, si le calcul ne prend pas en compte l’ensemble du cycle de vie.

La construction même de ces resorts – ponts, aéroport, infrastructures maritimes – représente un investissement de plus de 20 milliards de dollars pour l’ensemble des projets Red Sea Global dans le cadre de Vision 2030. Même avec des normes élevées, aucun chantier de cette ampleur n’est neutre pour les habitats terrestres et marins.

Enfin, ce modèle d’hôtels de la mer Rouge s’appuie sur un État très centralisé et sur un financement souverain massif. Sa reproductibilité dans des pays où les moyens sont plus limités reste incertaine.

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La mer Rouge comme modèle test pour le luxe mondial

Les nouveaux hôtels de la mer Rouge ne résolvent pas toutes les contradictions du tourisme haut de gamme, mais ils fixent un nouvel étalon pour un luxe responsable qui ne se contente plus de compenser quelques émissions ou de planter des arbres à la marge. L’énergie 100 % renouvelable, les objectifs zéro déchet, la limitation stricte des visiteurs, la protection active des récifs et l’investissement massif dans les compétences locales forcent désormais la comparaison avec d’autres destinations de prestige.

La question clé, pour les prochaines années, sera la capacité de ces resorts à tenir leurs promesses dans la durée, à mesurer de façon transparente leurs impacts et à accepter des ajustements si la pression environnementale augmente. Si ces engagements se confirment, les hôtels de la mer Rouge pourraient devenir une référence à laquelle Maldives, Caraïbes ou Méditerranée devront se confronter. Dans le cas contraire, ils resteront le symbole spectaculaire mais fragile d’une tentative de concilier pétrole, giga-projets et tourisme durable en Arabie saoudite.

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